vendredi 15 août 2014

The many faces of Captain Jack Sparrow


Récemment sur ce blog, nous parlions de notre cher Lord à perruque poudrée, l'un des grands bad guys de la trilogie Pirates, au travers d'une petite analyse de son (sale) caractère. Aujourd'hui, attaquons-nous un peu à la substantifique moelle, le seul, l'unique, j'ai nommé Captain Jack Sparrow. Comme Beckett, Jack est un personnage complexe et fascinant, surtout lorsqu'on entreprend de creuser un peu sous les apparences pour accéder à toutes les nuances du personnage.

Commençons par une évidence, la première impression de tout spectateur, et ce qui constitue sans doute l'essence première – mais non la seule – du personnage : Jack est un mec rigolo. Il suffit qu'il ouvre la bouche, ou même qu'il se contente d'être présent dans une scène, pour que hop, on se marre. Répliques savoureuses par dizaines, expressions, gestuelle ou attitude générale : Jack Sparrow (enfin, Johnny Depp, puisque c'est bien à lui que Jack doit son succès) crève l'écran. Dès qu'il entre en scène, tous les autres personnages – aussi sympathiques ou intéressants soient-ils – deviennent plus ou moins insipides. 

(La seule exception à cette règle serait justement Cutler Beckett, qui se montre un adversaire tout à fait à la hauteur pour ce qui est des confrontations et des joutes verbales que Jack, d'habitude, remporte toujours haut la main. C'est là que le passé commun des deux protagonistes devient évident – ils se connaissent suffisamment bien, et depuis suffisamment longtemps, pour savoir exactement comment s'y prendre l'un avec l'autre. Je trouve bien dommage que Jack et Beckett ne partagent qu'une seule scène dans toute la trilogie, parce que l'alchimie entre les deux personnages est extrêmement réussie.)

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Jack et Beckett à bord du HMS Endeavour dans At World's End.

D'ailleurs, à l'origine, Jack Sparrow ne devait être que ça : un type marrant. Un personnage secondaire, un élément comique, un faire-valoir du véritable héros du film : Will Turner. Will, le héros disneyien par excellence, sorte de Errol Flynn version 2003 – jeune, beau et courageux, risquant noblement sa vie pour sauver et conquérir sa belle demoiselle en détresse, prisonnière des méchants flibustiers. Dans la première version du scénario, le personnage principal, c'était lui. Il faut dire que Jack, pour sa part, n'a pas tellement le profil du "prince charmant" classique de chez Disney. Jack est un pirate, un criminel, un hors-la-loi. Jack est voleur, menteur et manipulateur, boit beaucoup de rhum et couche avec beaucoup de filles. (Sans parler du fait que Jack est plus maquillé que toutes lesdites filles réunies, qu'il a des dreadlocks et des perles sur la tête et une démarche plus féminine que celle d'Elizabeth Swann dans ses meilleurs jours.)

Mais voilà – Gore Verbinski et son équipe ont été assez intelligents pour non seulement surmonter leurs doutes initiaux à propos des excentricités de Mr. Sparrow, mais également pour décider que le personnage à succès, dans l'affaire, c'était lui. Peu orthodoxe pour un film Disney, certes, mais tellement plus original que le "beau gosse" vu et revu sous toutes ses formes (ceci étant dit, je n'ai strictement rien contre Will, qui est tout aussi nécessaire au film que Jack). Du coup, hop, réécriture complète du scénario, faisant de Jack le (anti-)héros incontesté du film. La suite, on la connaît : le succès est immédiat, Johnny Depp rafle tous les prix, et Jack Sparrow est vite hissé au rang de personnage culte.


Nous avons donc un Jack qui nous fait bien rigoler. Un Jack qui apparaît à première vue comme un personnage roublard, baratineur, sûr de lui et avec un ego un brin surdimentionné. Du moins est-ce sous ce jour-là qu'on le retrouve dans la plupart de ses scènes. Mais ce qui fait de Jack le personnage si génial et si attachant qu'il est, c'est que justement, il n'est pas que ça. Il se comporte bien souvent avec cette espèce de nonchalance, de légèreté et de cynisme comique, mais il y a aussi une vraie personnalité derrière, de vraies nuances, une vraie profondeur. Et ce sont les moments où l'on découvre le "vrai" Jack, celui qui se dissimule derrière sa façade de joyeuse insouciance, qui font toute la richesse du personnage.

Prenons, par exemple, la scène du premier film, The Curse of the Black Pearl, où Jack tue Barbossa – ou il utilise enfin l'unique balle de son pistolet, précieusement conservée pendant dix ans pour assouvir sa vengeance sur son ancien second, responsable de la mutinerie qui lui a coûté son navire. L'attitude de Jack à cet instant précis, voyant Barbossa qui s'écroule après qu'il lui ait tiré une balle dans la poitrine, en dit long sur son personnage. L'expression de son visage est inhabituellement sombre et grave, sans la moindre trace de son habituel détachement, et encore moins d'une quelconque satisfaction. Il n'a visiblement pris aucun plaisir à tuer froidement son ennemi. Il a simplement mis a exécution ce qu'il s'était promis pendant dix ans (oui, Jack Sparrow est quelqu'un de très rancunier...), et on voit clairement qu'il saisait tout le poids d'un tel acte. S'il y a bien une chose que Jack n'est pas, c'est un meurtrier ou quelqu'un de violent.

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Jack tuant Barbossa à la fin de The Curse of the Black Pearl.

Une autre séquence qui me vient à l'esprit est celle du troisième film (At World's End) où Jack, Barbossa et leur équipage découvrent sur une plage le cadavre du Kraken, la monstrueuse bestiole sous-marine de Davy Jones, tuée sur ordre de Beckett. L'occasion pour les deux capitaines de se lancer dans une conversation très sérieuse, et étrangement touchante, à propos de la tournure que prend le monde sous l'emprise grandissante de la East India Trading Company, qui met progressivement fin au règne libertaire des flibustiers dans les Caraïbes. Une fois n'est pas coutume, Jack abandonne son attitude bravache et optimiste, et exprime des regrets et une nostalgie teintés d'amertume. "The world used to be a bigger place", lui dit Barbossa. Ce à quoi il répond : "World's still the same. There's just... less in it."

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Jack et Barbossa devant le cadavre du Kraken dans At World's End.

Parmi les précieuses petites scènes qui permettent au spectateur de découvrir plus en profondeur le caractère de Jack, certaines ont malheureusement été coupées du montage final des différents films. Par exemple, la séquence de The Curse of the Black Pearl où Jack et Elizabeth se retrouvent isolés sur l'île déserte comportait, à l'origine, une scène supplémentaire. Elizabeth vient d'apprendre que Jack s'était précédemment échappé de l'île en marchandant avec des trafiquants de rhum, ce qui ne semble pas vraiment correspondre aux illustres aventures du célèbre pirate telles qu'elles les avait lues dans ses livres. Visiblement déçue et furieuse contre lui, Elizabeth lui demande si les autres histoires, elles, comportaient une part de vérité. Ce à quoi Jack répond en lui montrant, sans aucun commentaire, les diverses cicatrices qu'il porte sur le corps – la marque au fer rouge en forme de 'P' déjà entrevue plus tôt dans le film, d'impressionnantes cicatrices sur l'avant-bras gauche, les marques de deux blessures par balle sur la poitrine. Elizabeth accuse le coup, choquée. "No truth at all", conclut Jack, avec une bonne dose de ressentiment et d'amertume dans la voix.

Cette scène méritait sans nul doute, selon moi, d'être inclue au film – parce qu'elle dévoile une nouvelle facette de la personnalité de Jack, plus sincère, plus sombre aussi, et parce qu'elle montre bien que même si Jack a une imagination débordante lorsqu'il s'agit d'enjoliver ses folles aventures passées, la légende qui l'entoure n'est quand même pas basée que sur du vent. C'est là qu'on réalise, en même temps qu'Elizabeth, qu'il a dû en voir des vertes et des pas mûres au cours de sa carrière de pirate, et ça ajoute une dimension au personnage.

"No truth at all."

Un autre exemple de scène coupée se situe au cours de la confrontation tant attendue de Jack Sparrow et Cutler Beckett dans At World's End, lorsque tous deux se retrouvent à bord du HMS Endeavour, le vaisseau de Beckett. La scène que l'on voit dans le film est une version raccourcie et modifiée du montage original. Dans la version "courte", Beckett fait une très vague allusion au passé commun qui unit les deux hommes, sans qu'on sache exactement de quoi il retourne (la seule information dont dispose le spectateur étant que Beckett est responsable de la marque au fer rouge de Jack). Dans le montage initial, les allusions sont beaucoup plus précises : Beckett rappelle à Jack la raison pour laquelle il l'a marqué au fer rouge (Jack travaillait pour Beckett et était chargé de transporter des esclaves ; au lieu de quoi il les a libérés). Jack répond, d'une voix grave et basse, presque comme pour lui-même : "People aren't cargo, mate." On devine clairement toute la rancœur que ressent Jack vis-à-vis de Beckett à cet instant, et on voit bien qu'il a encore ce passé en travers de la gorge.



Je n'arrive pas à comprendre pourquoi cette scène a été supprimée du montage final. À mon sens, elle est essentielle. Premièrement parce qu'elle apporte, encore une fois, une nouvelle dimension au personnage de Jack, une dimension qu'on ne lui soupçonnait pas : il apparaît ici comme quelqu'un de sincèrement altruiste, désintéressé, prêt à risquer sa propre vie (ou en tous cas sa liberté) pour sauver celle des autres. Certes, on avait déjà pu constater que Jack était un type bien, mais le découvrir à ce point dépourvu d'égocentrisme et agissant dans le seul intérêt d'autrui (alors que d'habitude, il serait prêt à vendre père et mère pour se sortir d'une situation à son avantage), c'est nouveau. Et avec ça, on ne peut que l'aimer encore un peu plus, n'est-ce pas ?

La deuxième raison est que cette séquence constitue la réponse à LA question que se posaient tous les fans depuis qu'ils avaient vu le deuxième film, Dead Man's Chest : mais que diable s'est-il passé entre Jack et Beckett ? Dans Dead Man's Chest, Beckett mentionne la fameuse marque au fer rouge à Will, sans qu'on en connaisse les circonstances ou les raisons. Dans la version cinéma du troisième opus, cette question n'est toujours pas résolue, étant donné que l'histoire des esclaves n'apparaît que dans les bonus du DVD... Ce qui constitue une sérieuse imprécision narrative. Une des leçons élémentaires de l'écriture de scénario est que lorsqu'on ouvre un "chaînon" (une sous-intrigue), il faut impérativement le refermer... Ce qui n'est pas le cas ici, la question restant en suspens. Alors, pourquoi ne pas avoir rallongé At World's End de deux ou trois malheureuses minutes pour apporter une explication aux spectateurs ?

(Ceci étant dit, toute erreur a du bon : c'est ce questionnement autour de la marque au fer rouge et du passé entre Jack et Beckett qui a donné lieu à de nombreux débats sur les forums dédiés à la trilogie, et ce sont ces débats qui, à leur tour, m'ont poussée à résoudre le mystère à ma façon – en écrivant ce qui deviendrait le premier chapitre de Birth of a Pirate... et le début d'une longue aventure littéraire !)

Les scènes analysées ci-dessus ne sont que quelques exemples du développement de la personnalité de Jack Sparrow. Une personnalité plus riche, plus diversifiée et plus complexe que ce qu'il y paraît au premier coup d'œil. Évidemment, Jack est loin d'être un personnage torturé comme peut l'être un Davy Jones ou un James Norrington, mais lui aussi a un côté plus sombre, moins léger et moins insouciant que l'image qu'il veut bien véhiculer autour de lui. Et ce sont précisément ces "failles", pour ainsi dire, qui rendent le personnage aussi attachant.

jeudi 14 août 2014

L'art de la documentation

Aaah, la documentation... Étape essentielle si l'on travaille sur toute fiction un tant soit peu historique. (Or, mon roman Birth of a Pirate a beau être basé sur une trilogie de films qui comporte des messieurs à face de poulpe, des pirates zombies et des malédictions aztèques, il n'en reste pas moins que le cadre spatio-temporel, lui, est réel : l'Europe, l'Afrique et les Caraïbes au début du XVIIIe siècle.)

Lorsque j'ai commencé à écrire, la documentation, je n'en avais pas grand-chose à faire (et encore, ceci est un euphémisme). J'écrivais sans rien connaître de plus que les trois films de Verbinski, et je m'en contentais très bien. Et du coup, sans le savoir, j'agrémentais mon récit de tout un tas de petites (voire grosses) incohérences historiques. Ce n'est qu'en commençant un long travail de relecture quelques années plus tard que je m'en suis rendue compte. Quoi, toute une partie de mon histoire se passe au Ghana alors que le Ghana n'existait pas en 1710 ? Comment ça, la durée d'un voyage entre l'Angleterre et l'Afrique de l'Ouest ne dure pas seulement deux malheureuses semaines ? Ah tiens, les concepts d'antisepsie et d'infection bactérienne n'étaient pas encore connus à cette époque ?

Alors je me suis dit qu'il fallait remédier à tout ça – et j'ai commencé à faire des recherches. Je craignais que ce soit un brin fastidieux (après tout, je n'ai jamais été intéressée par mes cours d'histoire au lycée...), mais en fait, ça m'a plu, et pas qu'un peu. Parce que c'étaient des sujets qui m'intéressaient. J'ai toujours été fascinée par l'univers de la piraterie, je voue une passion sans bornes à la marine ancienne, je suis une grande curieuse de l'histoire de la chirurgie ou de l'évolution du système judiciaire au fil des siècles... Alors quand j'ai parcouru des sites Internet et des bouquins (Google Books et la bibliothèque municipale de ma ville sont mes amis) à la pelle pour glaner des infos, j'ai appris un tas de choses passionnantes. 

J'ai exploré la vie quotidienne des marins à bord des navires à voile, et celle des colons sur les îles des Indes Occidentales. J'ai lu des pages et des pages sur l'organisation de la East India Company, sur les principaux repaires de pirates au XVIIIe siècle ou sur le fonctionnement du commerce triangulaire et de l'esclavage. J'ai appris en détail comment on soignait une blessure par balle dans les années 1700, à quoi ressemblaient les comptoirs britanniques fortifiés sur les côtes africaines, quels étaient les différents grades ou les différents châtiments corporels en usage au sein de la Royal Navy. J'ai étudié en long, en large et en travers des centaines de pages Wikipedia, des dizaines d'extraits de bouquins (d'époque ou non) et de sites spécialisés, des centaines de peintures, de gravures ou d'illustrations qui représentaient la réalité de l'époque.


Évidemment, du coup, j'ai appris un nombre de choses assez conséquent. Au final, à peine 10% du fruit de ces recherches figurera tel quel dans Birth of a Pirate. Ce qui, je l'admets, est assez frustrant. Lorsqu'on maîtrise bien un sujet, on a toujours envie de caser tout ce qu'on sait – mais c'est là le danger de la documentation. On écrit un roman, pas une leçon d'histoire. Il faut arriver à disséminer dans notre histoire un petit détail par-ci par-là, qui donneront une impression globale de "Tiens, cette fille sait de quoi elle parle". Un nom de lieu, la description d'un endroit précis, quelques termes techniques de la marine à voile... Le tout sans tomber dans l'étalage de culture (vous savez ce qu'on dit, c'est comme la confiture... Moins on en a, plus on l'étale). 

En ce moment, je suis en pleine relecture de mon roman, et étant donné que j'ai beaucoup plus de connaissances sur tout un tas de sujets qu'auparavant, je suis toujours tentée de rajouter plein de détails dans chacun de mes chapitres (notamment ceux qui traitent de l'esclavage, puisque leur premier jet manquait franchement de précisions). J'essaye constamment de trouver le juste milieu entre ne rien dire et trop en dire. Pas si simple ! (Quand je lis The Price of Freedom d'Ann Crispin, je me dis régulièrement que l'auteur a sans aucun doute fait de grosses recherches. Et pourtant, elle ne raconte pas grand-chose de purement historique dans son bouquin - mais c'est l'impression qui en ressort, et c'est à ça qu'il faudrait arriver.)

Alors voilà – Birth of a Pirate m'aura permis non seulement de progresser en matière d'écriture, mais m'aura aussi permis de devenir une experte ès piraterie et navigation option XVIIIe. (Maintenant, je n'ai plus qu'à mettre la théorie en pratique en embarquant sur un vieux trois-mâts pour une croisière autour du monde. Ma vie sera alors complète.)

samedi 26 juillet 2014

Méthode d'écriture : Questions-réponses

Aujourd'hui on va parler méthode d'écriture, grâce à un petit questionnaire en vogue depuis plusieurs années sur les forums francophones de FF.net. C'est le genre de questions auxquelles j'aime bien répondre – d'une part parce que ça peut éventuellement en intéresser quelques-uns, et surtout parce que ça me permet toujours de prendre du recul par rapport à ma propre façon de faire (qui est parfois totalement instinctive).



Vous avez un plan ?

Au commencement de Birth of a Pirate, je n'avais absolument aucun plan. Je n'avais même pas la moindre idée de la direction qu'allait prendre mon récit, ni même si j'allais en faire quelque chose – j'avais simplement écrit un petit passage que j'avais dans la tête, sans réfléchir à un contexte quelconque. Et puis les choses ont évolué, j'ai décidé que j'allais écrire une fic multi-chapitres, et à partir de ce moment-là j'ai commencé à planifier mon histoire. Pas forcément jusqu'à la fin, mais au moins pour avoir plusieurs chapitres d'avance et une liste des événements clés. Pour certaines scènes, j'ai un plan très détaillé en tête, pour d'autres beaucoup moins, mais en tous cas je sais où je souhaite aller, dans les grandes lignes. Après, tout le plaisir de l'écriture est de "broder" autour de ce fil conducteur : j'invente les dialogues, les descriptions et les détails au fur et à mesure de la rédaction.

Vous le suivez ? 

Dans l'ensemble, oui. Si on ne suit pas son plan, inutile d'en faire un ! Il peut arriver que j'en modifie quelques aspects (parfois, des choses imprévues se passent au moment de l'écriture, de nouvelles idées surgissent et ont une incidence sur la suite...) ou que je change l'ordre des scènes, mais globalement, une fois que mon plan est construit, je m'y tiens.

Vous savez comment va se terminer l'histoire quand vous commencez à poster ?

Pour Birth of a Pirate, comme je le disais, absolument pas. J'ai posté mon chapitre 1 sans savoir s'il y aurait un jour un chapitre 2. Mon intention première était plutôt d'écrire un one-shot, et ce sont les critiques positives de mes lecteurs, qui me demandaient tous une suite, qui m'ont poussée à développer mon histoire... En règle générale, je poste mes fanfics sans trop savoir où je vais (avec éventuellement deux ou trois chapitres d'avance, pas plus). Mais ce n'est pas forcément une bonne méthode, puisqu'on se retrouve parfois bloqué au point de devoir abandonner la fic...

Modifiez-vous souvent l'intrigue en cours de route ? 

L'intrigue globale, pas tellement – comme dit plus haut, j'essaie de respecter mon plan au maximum. Ceci dit, je modifie régulièrement des passages ou des détails de mon histoire après coup : soit parce qu'à la relecture je réalise que telle ou telle partie n'est pas assez (ou trop) développée, soit parce que je me rends compte que le récit comporte des incohérences. Il m'arrive rarement de modifier mon plan général une fois qu'il est construit ; en revanche, j'ai parfois de nouvelles idées qui viennent le compléter en cours de route.

Les commentaires des lecteurs influent-ils sur votre récit ?

Bien sûr. Qu'ils soient positifs ou négatifs, je prends toujours en compte l'avis de mes lecteurs. Les compliments sont un énorme encouragement à continuer l'écriture (relire les commentaires enthousiastes en période de panne d'inspiration peut rebooster la créativité !), et les critiques négatives (du moment qu'elles sont constructives et argumentées) permettent de mettre en évidence les erreurs, défauts et incohérences (sur la forme ou le fond) qui m'avaient échappé. Je ne suis pas toujours d'accord avec les remarques des lecteurs et les décisions finales concernant mon roman m'appartiennent, mais il est essentiel de se questionner sur son travail, et les commentaires sont un excellent moyen de le faire. Je pense que Birth of a Pirate ne serait pas ce qu'il est sans les nombreuses reviews et conseils de mes chers lecteurs.

Écrivez-vous au fur et à mesure des publications ou avez-vous de l'avance ?

Généralement, j'écris au fur et à mesure. Il m'arrive parfois d'avoir deux ou trois chapitres d'avance, mais jamais davantage. La raison principale est que j'aime maintenir un rythme de publication assez soutenu pour ne pas abandonner mes lecteurs trop longtemps, donc la plupart du temps, je poste mon chapitre dès qu'il est terminé. Si j'ai plusieurs chapitres en stock, cependant, je fais tout de même une pause d'au moins une semaine entre chaque nouvelle publication – il faut faire durer le plaisir !

Écrivez-vous les scènes dans l'ordre ?

Le plus souvent, oui : j'écris les scènes dans l'ordre où elles vont apparaître dans mon histoire (ce qui ne correspond pas nécessairement à la chronologie des événements : je suis une grande adepte des flashbacks et des constructions non chronologiques...). Sauf lorsque je bloque sur une scène précise, auquel cas je vais passer directement à la suivante et revenir combler le vide à un autre moment. Ou, si j'ai une soudaine inspiration pour une scène apparaissant beaucoup plus tard dans le roman, je vais avoir tendance à la rédiger "à chaud", profitant de cette belle inspiration avant qu'elle ne disparaisse !

Votre méthode a-t-elle évolué ?

Oui, sur plusieurs points. Premièrement, je construis de plus en plus mes intrigues, je rédige des plans plus détaillés, bref, j'essaie de voir les choses sur le long terme au lieu de me lancer à l'aveuglette. Deuxièmement, je travaille de façon plus organisée, aidée par des documents annexes : des fiches, des chronologies, etc. Et troisièmement, je fais beaucoup plus de recherches historiques pour rendre mes histoires crédibles. À mes débuts, mes fanfics (en tous cas celles qui s'inscrivaient dans une réalité historique, comme l'univers de Pirates of the Caribbean) manquaient cruellement de réalisme... Aujourd'hui, je prends beaucoup de plaisir à me documenter et à rassembler mes recherches pour étoffer mes histoires, en particulier si l'univers m'intéresse réellement (ce qui est sans aucun doute le cas avec le XVIIIe siècle, la navigation et la piraterie !).

Faites-vous des fiches sur les personnages ? 

J'en fais, mais ce ne sont pas ces fiches ultra-détaillées que l'on trouve chez certains auteurs. Les miennes comportent simplement quelques éléments essentiels sur chaque personnage : leur apparence physique, leur rôle dans l'histoire, et les principaux traits de leur caractère. Pour le reste, je préfère laisser vivre mes personnages, les laisser se développer d'eux-mêmes au cours de l'histoire, plutôt que de fixer le moindre détail de leur personnalité dés le départ. Je trouve que des fiches trop poussées rendent les personnages trop "définitifs", sans possibilité d'évolution. Par ailleurs, je ne juge pas nécessaire de faire des fiches sur mes personnages principaux parce que j'ai l'impression de les connaître, de les "sentir", et donc de les écrire sans avoir besoin de référence quelconque – un peu comme s'ils étaient des amis proches ou des membres de ma famille.

Tenez-vous une chronologie ?

Pour les fics multi-chapitres qui se déroulent sur un temps relativement long, oui, je tiens une chronologie des principaux événements. Pour Birth of a Pirate, dont l'intrigue est assez complexe, j'ai même créé un calendrier complet des années 1708 à 1710 afin de pouvoir y référencer tous les éléments importants. Une chronologie me permet notamment de savoir précisément combien de temps s'est écoulé entre deux moments clés (ce qui est essentiel lorsqu'on mentionne des dates précises dans notre histoire : des indications de semaines ou de mois, par exemple). C'est également un outil utile lorsqu'on travaille sur deux (ou plus) intrigues parallèles, puisqu'il devient difficile de savoir comment sont imbriqués les différents événements.

samedi 24 mai 2014

Petit best-of littéraire


J'ai trouvé sur un blog une sorte de best-of des œuvres littéraires favorites de la bloggeuse en question, et du coup j'ai commencé à réfléchir à mes propres œuvres préférées. C'est toujours très dur de faire des choix, il y a tellement de livres qui m'ont plu... Mais j'ai tout de même une petite idée de ceux que je préfère, et ce dans chaque grande catégorie littéraire. Voici donc une petite liste des écrits qui m'ont particulièrement marquée.

 UN ROMAN CLASSIQUE 
Belle du Seigneur, d'Albert Cohen (Suisse, 1968). Jamais un livre ne m'a autant impressionnée par son écriture. Grâce au style de l'auteur (notamment les monologues intérieurs de ses personnages, des pages et des pages de phrases décousues sans ponctuation ni retour à la ligne...), ce qui pourrait être une histoire d'amour relativement banale devient un chef-dœuvre.

 UN ROMAN DE SCIENCE-FICTION 
Les Langoliers, de Stephen King (USA, 1990). Ce n'est pas de la SF au sens "traditionnel" du terme (pas de vaisseaux spatiaux ou de planètes lointaines), mais pour moi, ce roman appartient clairement au genre. Comme dans tous les ouvrages de Stephen King, le récit est palpitant du début à la fin, la trame est extrêmement originale, les personnages merveilleusement complexes.

 UN ROMAN DE FANTASY 
Le Seigneur des Anneaux, de J.R.R. Tolkien (Angleterre, 1954). Pour la richesse et la complexité de l'univers créé par Tolkien, pour les personnages, pour l'histoire... Pour tout. Ce roman reste pour moi l'œuvre de fantasy par excellence.

 UN ROMAN POLICIER 
La trilogie Millénium, de Stieg Larsson (Suède, 2005-2007). L'intrigue est menée d'une main de maître, le suspense est incessant, j'aime énormément l'ambiance nordique du bouquin, et bien sûr le génial personnage de Lisbeth Salander. Jamais une trame narrative basée sur la politique ne m'avait autant passionnée.

 UN THRILLER 
Ex-aequo : d'abord Le Maître des Illusions, de Donna Tartt (USA, 1992). C'est très bien écrit, les personnages sont tous plus fascinants (et plus malsains) les uns que les autres, l'histoire est surprenante et inattendue... J'ai dévoré ce livre du début à la fin sans pouvoir m'arrêter.
Et ensuite, Bone, de George Chesbro (USA, 1989). Un autre "page-turner" au suspense insoutenable, avec un personnage principal très atypique et une écriture sobre et efficace.

 UN ROMAN D'AVENTURE 
Pas vraiment un roman d'aventure au sens strict, mais ce serait La Route, de Cormac McCarthy (USA, 2006), qui se déroule dans un monde post-apocalyptique. Le style est très épuré, les personnages n'ont pas de nom, l'ambiance est génialement sombre et glauque, et le livre se lit d'une traite, avec une boule au ventre.


 UNE DYSTOPIE 
Orange Mécanique, de Anthony Burgess (Angleterre, 1962). Déjá pour son écriture, avec un langage créé de toutes pièces par l'auteur, et ensuite pour le personnage mémorable d'Alex, un vrai salaud, mais qu'on finit par adorer. Le film de Kubrick est à la hauteur du roman.

 UN TÉMOIGNAGE 
Là, je suis incapable de choisir entre deux ouvrages. D'une part, il y a Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée..., de Christiane Felscherinow (Allemagne, 1978). Le témoignage d'une toute jeune toxicomane, dans le Berlin grisâtre des années 1970. À la fois touchant, prenant, effrayant... Le genre de bouquin qu'on n'oublie pas, même des années plus tard.
Et d'autre part, il y a Between a Rock and a Hard Place, de Aron Ralston (USA, 2004), le témoignage du fameux alpiniste qui s'est auto-amputé le bras après 127 heures passées coincé au fond d'une crevasse. La qualité de l'écriture est excellente, le livre est plein d'humour et le suspense digne des meilleurs polars.

 UNE NOUVELLE 
J'hésite entre plusieurs nouvelles d'Edgar Allan Poe. Soit Le Portrait Ovale (Angleterre, 1842) qui m'a particulièrement marquée, ou peut-être Le Chat Noir (1843), Le Masque de la Mort Rouge (1845) ou Le Puits et le Pendule (1843)... Beaucoup des nouvelles de Poe me fascinent, notamment par leur morbidité.

 UN LIVRE POUR ENFANTS 
Les Harry Potter, de J.K. Rowling (Angleterre, 1997-2007). Une série qui a bercé toute mon adolescence, avec laquelle j'ai grandi, et que je relis avec toujours autant de plaisir. Le dernier tome reste mon préféré de la saga.

 UNE PIÈCE DE THÉÂTRE 
La Cantatrice Chauve, d'Eugène Ionesco (France, 1950). J'ai lu peu de pièces de théâtre et j'ai du mal à apprécier le genre (pour moi, une pièce est faite pour être regardée sur scène, et non lue), mais j'ai adoré cette pièce de Ionesco, qui m'a fait rire comme rarement un livre ne l'avait fait. L'écriture est merveilleusement absurde.

 UN POÈME 
La Jetée, de Henri Michaux (France, 1930). Je lis très peu de poésie, et ce n'est pas un genre que j'affectionne. Mais ce poème en prose de Michaux m'a énormément marquée. En quelques lignes, il instaure une magnifique ambiance onirique et macabre.

 UNE BANDE DESSINÉE 
La série des Mondes d'Aldébaran, de Leo (France, 1994-présent). Au niveau visuel, ces BD m'ont inspirée pendant des années, et mon trait comporte encore aujourd'hui des traces du graphisme de Leo. Le scénario, lui, est très bien mené, prenant et intelligent, les personnages sont bien creusés et complexes à souhait.

vendredi 9 mai 2014

It's all about Beckett

Pour ne rien vous cacher, ce cher Cutler Beckett (qui n'est pas encore Lord à l'époque où se déroule Birth of a Pirate) est l'un de mes personnages favoris. Pas juste de l'univers de Pirates (dans lequel il EST mon peronnage favori, en dehors bien sûr du one and only Captain Jack Sparrow), mais de la fiction tout court. En règle générale, j'ai une fâcheuse tendance à aimer les "méchants" dans les livres ou les films, et Beckett, c'est du level, mes amis. Un bon vieux bad guy comme on les aime.

Mais ce qui est intéressant avec Beckett, c'est qu'il n'est pas univoque. Les gens ont tendance à simplifier un peu trop le personnage, à en faire un méchant typiquement Disneyien (logique, en même temps : il est dans un film Disney), le genre cruel et machiavélique qui se frotte les mains avec un rire triomphant genre "Je suis le maître du monde muahaha". Un type purement sadique qui tue pour le plaisir et égorge des chatons le weekend. Personnellement, des termes comme "cruel" et "sadique" me dérangent un peu, parce que ce n'est pas comme ça que je vois Beckett. La définition du sadisme, c'est le fait d'éprouver du plaisir à voir ou faire souffrir quelqu'un ; et dans le cas de Beckett, je dirais qu'on est dans le faux.

Alors certes, je ne dis pas que Cutler Beckett est un type bien. Il commet (directement ou indirectement) des atrocités, on est d'accord. En témoigne notamment la scène d'ouverture de At World's End, où l'on assiste à une série de pendaisons à la chaîne, hommes, femmes et même un gamin d'une douzaine d'années – exécutions orchestrées par Beckett en personne, qui sirote tranquillement son thé pendant que ça se passe. Pendre des enfants (pendre des gens tout court, à vrai dire), c'est pas cool. Mais je ne dirais pas pour autant qu'il le fait pour le plaisir. Il le fait parce que c'est son job. C'est la loi. Il attrape un pirate = hop, peine de mort. Je pense que Beckett ne se pose pas la question de savoir si c'est bien ou mal ; il applique, c'est tout. Il respecte les règles officielles, sans chercher plus loin, avec froideur et détachement. C'est un mec totalement dépourvu d'empathie.

On le constate aussi dans le bouquin The Price of Freedom, lorsqu'il parle avec Jack du trafic d'esclaves auquel s'adonne la East India Trading Company ; pour lui, c'est comme si l'être humain n'entrait même pas en ligne de compte. C'est du commerce, point barre. Et c'est lucratif. Donc il le fait, sans aucun scrupule. Encore une fois, ça n'a rien à voir avec de la cruauté –  il n'a pas envie de faire souffrir les esclaves en question. Disons que c'est juste un "dommage collatéral" de son petit business... Tout ce qu'il entreprend, il le voit sous cet angle-là : si c'est conforme à la loi, et si ça rapporte, il le fait. Comme il le dit à plusieurs reprises dans la saga : "It's just good business". C'est exactement ça.

L'affaire avec Jack Sparrow, en revanche... Là, c'est peut-être un peu différent. Parce que – en dépit de ce que Beckett assure à Jack dans les films – c'est personnel. Il y a l'aspect judiciaire et officiel de l'affaire, bien entendu : le "délit" commis par Jack, à savoir libérer les esclaves qu'il était censé transporter à bord de son navire, relève (quoiqu' indirectement) de la piraterie (c'est un acte de vol contre la East India Company, et c'est un acte de vol en mer = piraterie). D'un point de vue légal, donc, Cutler Beckett était en droit, et même en devoir, de punir son employé ; après, pourquoi la marque au fer rouge et pas la pendaison, je n'en sais trop rien. Beckett lui a peut-être fait une fleur – après tout, Jack était pour ainsi dire l'un des siens, il travaillait pour la Company. Eut-il été un "vrai" pirate à l'époque, je pense qu'il n'y aurait pas eu de traitement de faveur qui tienne (si on peut appeler ça comme ça).


Mais il y a aussi, et peut-être surtout, l'aspect personnel de la chose. Après l'histoire des esclaves, Beckett a les boules contre Jack, c'est certain. Dans mon roman, j'ai tenté d'expliquer les raisons de cette rancœur (je vous laisserai les découvrir, ne spoilons pas tout, mes enfants !) ; dans The Price of Freedom, A.C. Crispin propose ses propres raisons, assez différentes mais également valables. Du coup, Beckett a envie de faire payer Jack, envie de se "venger". C'est notamment la raison, à mon sens, pour laquelle il décide de marquer Jack au fer rouge lui-même, plutôt que de laisser la besogne à ses hommes de main (on sait tous que son bras droit Mercer est là pour ce genre de trucs). C'est la manière de Beckett de dire "T'as cru que tu pouvais me couiller, eh ben voilà ce qui arrive." Et là, effectivement, il se pourrait qu'il y éprouve une certaine satisfaction.

(Apprécions au passage la double ironie de toute cette histoire : d'une part, Jack est puni non pas pour un réel crime, mais pour un geste juste, humain et altruiste qui fait définitivement de lui un mec bien ; et d'autre part, avec cette marque, c'est Beckett lui-même qui est responsable de la "carrière" de Jack dans la piraterie... Sans ce 'P' au fer rouge sur le bras qui l'empêchait de toute façon d'exercer une occupation légale et honnête, Jack ne serait peut-être jamais devenu pirate du tout. C'est con, hein ?)

Bref – Cutler Beckett est un bad guy, certes, mais un bad guy complexe, et ça, j'aime bien. Il est méchant, mais dans les limites de la loi, quoi. Officiellement parlant (officiellement selon les standards un brin douteux des années 1710-1720, je précise), il n'a rien fait de répréhensible, jamais. (Non, ce qui était répréhensible, à l'époque, c'était de s'opposer à la traite d'êtres humains, tiens donc.) Inutile de dire que je me suis bien éclatée à écrire les passages de Birth of a Pirate du point de vue interne de ce personnage... D'ailleurs, c'est drôle, parce que le premier chapitre du roman, celui que j'avais écrit de façon quasi-automatique, celui qui était censé être un one-shot sans suite, est écrit du point de vue de Beckett. Spontanément, sans réfléchir à la forme de la narration, c'est dans sa peau à lui que je me suis glissée pour écrire – pas dans celle de Jack, qui serait pourtant le choix le plus évident. Il faut croire que je me plais bien dans la tête de Beckett... Du coup, je ne perds jamais une occasion de rédiger un passage de son point de vue, venant entrecouper le récit principal des aventures de Jack Sparrow. Il est fascinant, que voulez-vous. Chapeau bas, Ted & Terry, pour avoir pondu notre cher Lord à perruque poudrée...

lundi 5 mai 2014

Histoires de couv'

Puisque mon projet Birth of a Pirate sera bientôt complet et prêt à être publié, je me pose régulièrement la question de la couverture. C'est important, une couverture. C'est le premier contact du lecteur avec le livre, c'est l'élément qui peut le pousser à acheter l'ouvrage en question, ou au contraire le faire fuir à grands pas. Et c'est vachement plus difficile à choisir que ça en a l'air.

Comme je suis dessinatrice, naturellement, ma première impulsion a été que j'allais l'illustrer moi-même, cette couv. Après tout, je suis en train de fabriquer ce livre de A à Z avec mes blanches mains, alors ce serait assez classe de boucler la boucle en créant même la couv. Ceci dit, je ne suis pas sûre que mon style de dessin corresponde à ce que je recherche pour ce cas précis. Mon style n'est pas réaliste. Il est plutôt BD franco-belge, voire illustration jeunesse. Et je ne veux pas de feeling "jeunesse" sur la couverture de Birth of a Pirate. Même si le roman peut certainement être lu par des jeunes (tout comme les films de la trilogie Pirates of the Caribbean peuvent être vus par des jeunes), je tiens à me démarquer des bouquins de la série Young Jack Sparrow de Rob Kidd, qui, eux, étaient clairement destinés aux gamins. J'aime à penser (à tort, peut-être) que mon roman à moi peut parler à des adultes autant qu'à des ados, de la mème manière que les films de Gore Verbinski peuvent plaire à tout âge. Je cherche donc une couv' qui serait adaptée à cet aspect "tout public".

Alors si la couv doit comprendre une illustration, je verrais plutôt un style réaliste. Pas photoréaliste, mais en tous cas beaucoup plus réaliste que le mien. L'illustratrice qui me vient spontanément à l'esprit est la très douée Magali Villeneuve (dont je ne pourrai certainement pas me payer les services, on est d'accord). Un exemple de ses travaux :

 © Magali Villeneuve

La question, pour autant que j'engage un illustrateur pour me dessiner ma couv, est : que va-t-il y avoir dessus ? C'est un choix difficile. D'autant plus difficile que depuis que j'ai reçu mon exemplaire de The Price of Freedom de A.C. Crispin, je suis plus ou moins inconsciemment influencée par la couverture ce ce bouquin – elle est sublime, soit dit en passant. Comme avec le titre, c'est le genre de couverture que j'aurais aimé utiliser moi-même si elle n'avait pas déjà été prise. Elle irait parfaitement avec mon roman, puisque les navires et le voyage en mer y occupent une place prépondérante, comme dans toute histoire de pirates digne de ce nom, hein.


Il est intéressant de noter que cette couv, choisie par Disney et représentant le Wicked Wench (le navire de Jack), n'était pas la première version créée. À la base, ils avaient opté pour une illustration en noir et blanc qui représentait un jeune Jack Sparrow à bord d'un navire, avec les traits de Johnny Depp très clairement reconnaissables. Je ne sais pas exactement pourquoi cette version a été abandonnée – je crois que Disney a pensé que ce jeune Jack, qui n'a pas encore le look qu'il a dans les films, ne serait pas identifiable du premier coup d'œil (mais enfin, un navire vu de loin n'est pas non plus reconnaissable du premier coup d'œil, je dirais). Bref, du coup, ils ont mis la fameuse tête de mort sur la quatrième de couv, le logo de la saga Pirates en quelque sorte. (Il me semble avoir lu que la première version a également posé problème à Johnny Depp, qui n'était pas très enthousiaste à l'idée de voir sa propre tête sur le bouquin – mais je ne sais pas si cette rumeur est vraie ou non). Pour ma part, je trouve les deux couv très belles, mais il est clair que le plan d'ensemble sur le Wicked Wench traduit un côté "épique" devantage qu'un plan rapproché sur un personnage.


Au niveau du style d'illustration, je pensais à quelque chose de ce genre pour ma propre couv (mais en couleurs, plutôt). Ceci dit, je pense que je préfère un plan d'ensemble, un "décor", plutôt qu'un personnage ou une scène du bouquin. C'est comme pour les affiches de films : je préfère quand on voit quelque chose de plus général, et pas les têtes des acteurs alignées en haut de l'affiche. 

Mais en termes de décor, que choisir ? Le bateau, c'est hors de question, je ne vais pas reprendre l'idée de The Price of Freedom (eh merde, si j'avais publié mon roman plus vite et avant celui d'Ann Crispin, j'aurais eu la voie libre !). Alors quoi ? Quels sont les lieux emblématiques de Birth of a Pirate, ou tout simplement les lieux où se déroule l'action ? Nous avons Shipwreck Cove (mais le lieu joue un rôle assez secondaire dans le bouquin). Nous avons les îles caraïbes, avec cocotiers et sable blanc (mais ça ferait ressembler le livre à une brochure d'agence de voyage). Nous avons les rues pluvieuses de Londres (mais Jack quitte Londres vite fait bien fait après les premiers chapitres, et Londres n'est pas un décor très piratesque, avouons-le). Hélas, le plus clair de l'action se passe à bord de divers navires – le Wench, le Pearl, le Juggernaut, et tous les autres bateaux sur lesquels Jack passe plus ou moins de temps au cours de ses aventures. Une fois les navires rayés de la liste, il ne reste plus quarante solutions... Et il faut tout de même que le lieu représenté ait une raison d'être, une vraie signification. S'il s'agit d'un endroit où le roman ne s'attarde pas plus que cinq minutes, ce n'est pas la peine. Pour le moment, j'ai beau chercher, le décor parfait pour la couv ne me vient pas à l'esprit.

Et si je décide d'oublier l'idée du décor, alors quoi ? Dois-je faire la part belle aux personnages sur la couverture du roman ? Faut-il que Jack Sparrow en soit le point central, et si oui, à quelle étape de l'histoire doit-on le représenter ? On a le Jack employé de la East India Trading Company, en uniforme bleu et blanc, les cheveux bien sagement attachés dans la nuque. Ou alors le Jack post-East India Co., celui qui commence à fréquenter le milieu de la flibuste et qui troque l'uniforme contre chemises en lin, pantalons à rayures et bottes à revers. Lequel choisir ? Et quid des autres personnages susceptibles d'apparaître sur la couv ? Beckett, Bill Turner, Barbossa, Teague, Davy Jones... Autant de personnages qui pourraient y figurer, sans compter les personnages que j'ai créés moi-même et qui ont également un rôle important à jouer dans le roman. Mais je suis assez réticente à l'idée de représenter des personnages sur la couv. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j'ai l'impression qu'il y a un côté "jeunesse" qui transparaît très souvent de couvertures "à personnages"...

Je me suis même demandé si une illustration est la bonne solution tout court. Généralement, en matière de graphisme, je suis assez adepte du less is more, de lignes très épurées, de polices de caractère simples et sans fioritures. Puisque j'aimerais que la couverture de Birth of a Pirate soit dirigée (aussi, voire avant tout) vers un public adulte, serait-il judicieux d'opter pour une couv sans image, avec juste du texte et un peu de graphisme, à l'image de nombreux livres de poche pour adultes ? Un truc comme ceci, par exemple :

  

C'est simple, c'est joli, c'est efficace, c'est tout ce que j'aime. Mais encore une fois, je m'interroge... Une couv de ce genre ne perdrait-elle pas l'aspect tout public/avenure/Disney du roman ? Après tout, on parle de Pirates of the Caribbean. On parle de pirates, de bateaux, de monstres marins, d'aventures et d'humour, destinés aux grands et aux petits. Avec une couverture très sobre comme les deux ci-dessus, je vise clairement les adultes, mais je perds les ados et les plus jeunes, c'est quasi-certain. Je pense que ce genre de couv ne correspond pas à l'univers, à la "ligne éditoriale" de la saga Pirates.

Bref, beaucoup de questions et beaucoup de prise de tête, et aucune réponse pour le moment ! Il faut que je prenne le temps de réfléchir, de faire des croquis, d'en parler autour de moi (bien que pour l'instant, je tente de garder le secret sur cette publication, c'est la surpriiise !). Je finirai bien par trouver. En attendant, comme toujours, toute suggestion est la bienvenue !

dimanche 4 mai 2014

Éloge de la fanfiction (ou presque)


(Pour ceux qui ne savent même pas ce qu'est la fanfiction, je vous 
conseille de commencer par aller lire ceci, bande de fossiles.)

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je préciserai une chose : j'ai beau dire du mal de beaucoup d'aspects de la fanfiction, je reste persuadée que c'est un merveilleux moyen de travailler son imagination et son écriture, et je trouve que la rédaction d'une fanfic, que ce soit par un débutant total ou un auteur confirmé, est une excellente chose que j'encourage vivement. (Même si le résultat est merdique. You tried.)

Ceci étant dit, je peux balancer sec et être méchante. Allons-y.

Lorsqu'on raconte à quelqu'un que l'on lit – ou pire, que l'on écrit ! – de la fanfiction, il y a deux grands types de réaction. La première, c'est "Bwahaha, trop pourri la fanfiction, c'est un truc d'ado hystérique, c'est pathétique, c'est moche, c'est mal écrit, c'est de la merde, tais-toi et meurs". La seconde – et elle est encore trop rare à mon goût – c'est un "Oh tiens ?" intéressé, tout du moins aussi intéressé que si on avait parlé de "vraie" littérature, j'entends par là de littérature "originale" (et encore, le terme se discute). Et ces deux réactions sont finalement assez légitimes – le problème, c'est que la première revient quand même vachement plus fréquemment que la deuxième. M'enfin bon, pas tout à fait à tort : en fanfiction, on trouve le meilleur comme le pire. C'est comme le shopping chez H&M : il faut fouiller dans la masse des trucs nazes pour en tirer LA pièce de qualité, et parfois, on est découragé devant l'ampleur de la tâche.

C'est sûr, de la merde, il y en a. Une bonne partie des fanfictions est écrite par des petites fangirls (oui, 95% des auteurs de fanfic sont des filles, que voulez-vous...) de 12-13 ans, qui vont vous rédiger leur histoire en langage quasi-SMS, bourré de fautes d'orthographe et avec une syntaxe déplorable, avec pour seule idée d'assouvir leurs fantasmes plus ou moins avoués sur leurs personnages de fiction favoris. Et quand je dis fantasme, je ne parle pas d'amourette mignonnette adaptée à leur âge, je parle de porno pur et dur. Oui, ce sont souvent les nénettes de 14 ans qui vont détailler sur trente page les ébats torrides de Bella et Edwââârd ou de Harry Potter et Draco Malfoy (ai-je mentionné que les auteurs de fanfiction ont le chic de mettre de l'homosexualité partout où il n'y en a pas ? Tout le monde baise avec tout le monde, et entre hommes, c'est encore mieux). Alors évidemment, pour peu que nous, lecteurs, ayons plus de 13 ans et un minimum de jugeotte littéraire, nous levons les yeux au ciel devant tant de médiocrité, tant sur la forme que sur le fond (je ne saurais dire laquelle des deux peut être le plus terrible, les deux atteignent parfois des sommets assez impressionnants).


Mais voilà, la fanfiction, ce n'est pas que ça. Ce n'est pas seulement le rendez-vous sexuel des fans de Twilight. C'est aussi un excellent moyen de créativité, que ce soit pour les auteurs débutants ou confirmés, amateurs ou professionnels. Les gens pensent que nous écrivons de la fanfiction parce que nous sommes incapables de créer nos propres personnages, notre propre univers. C'est faux. La fanfiction est un choix, pas une solution de repli (certains écrivains publiés et célèbres continuent d'ailleurs à en écrire, juste pour le plaisir). C'est l'envie d'explorer plus en profondeur les personnages qu'on apprécie, de répondre à des questions que l'œuvre d'origine a laissées dans le vague, d'écrire une suite, un prequel, une scène coupée, de réécrire l'histoire du point de vue d'un autre personnage, de partir sur des "Et si...", d'inventer quelque chose de tout nouveau en se basant sur un univers que l'on connaît et que l'on aime. Et le résultat est parfois excellent, il n'y a pas d'autres mots. Qu'on se le dise : j'ai lu sur Internet des fanfics vingt fois supérieures, tant au niveau de l'histoire que du style, à certains ouvrages publiés (Stephenie Meyer, je te parle). J'ai dévoré des fanfictions avec le même enthousiasme que pour mes bouquins préférés, j'ai guetté les mises à jour avec la même impatience que s'il s'agissait d'un épisode de Game of Thrones, j'ai rigolé, j'ai versé ma petite larmichette, j'ai commenté, critiqué, reviewé, adoré.

Alors oui, toute fanfiction n'est pas de la littérature. Parfois, c'est de la daube. Mais parfois, c'est de l'art. Et par moments, la frontière entre fanfiction et fiction originale est difficile à discerner. Prenons ces bouquins "Univers étendu", qui suivent presque immanquablement toute œuvre ou saga à succès : les BD sur Star Wars, les romans sur Pirates of the Caribbean, les innombrables suites à Pride and Prejudice de Jane Austen... Ce sont des ouvrages publiés, souvent commandités. Les auteurs sont payés pour. Et pourtant, c'est bien de fanfiction qu'il s'agit, n'est-ce pas ? C'est de la fiction écrite par, et pour, les fans. C'est une histoire reprenant un univers et des personnages déjà existants. Beaucoup n'acceptent pas cette appellation, parce que beaucoup considèrent le terme "fanfiction" comme étant péjoratif – comme s'il impliquait nécessairement un côté cheap,  bâclé, amateur. Mais non. Une bonne fanfiction peut être de qualité équivalente à la meilleure des œuvres originales. Et les meilleures fanfictions ne sont d'ailleurs souvent pas celles qui sont officiellement publiées, mais celles qui restent dans l'ombre et l'anonymat.

Et que dire, alors, de sagas à succès telles que le (tristement) fameux Fifty Shades of Grey, qui était au départ, ne l'oublions pas, une fanfiction sur Twilight publiée par une jeune femme sur Internet comme dix mille autres fanfics du même acabit ? Les amateurs de cette sous-littérature érotico-SM (atrocement mal écrite, soit dit en passant) ont l'air d'avoir soigneusement oublié que leurs héros favoris s'appelaient autrefois Edward Cullen et Bella Swan, alias le vampire-à-paillettes et la fille-mono-expression-faciale. On nous a vendu la trilogie Fifty Shades comme LA nouveauté de la décennie, alors que E.L. James n'était qu'une fangirl en manque d'histoires de cul qui assouvit ses fantasmes Twilight-esques sur le beau Edwââârd en écrivant du sado-maso. Trois mois plus tard c'était un best-seller international. Allez savoir.


Ainsi, à tous ceux qui appartiennent à la première catégorie dont je parlais plus haut (vous savez, la catégorie de "Bwahaha, trop pourri la fanfiction, c'est un truc d'ado hystérique, c'est pathétique, c'est moche, c'est mal écrit, c'est de la merde, tais-toi et meurs"), je dis : OUI, je lis de la fanfiction. Et OUI, j'en écris. Non seulement j'en écris, mais j'ai écrit un putain de roman de fanfiction. Et j'en suis fière. Aussi fière que si j'avais pondu un roman original, aussi fière que si tous les personnages et tout l'univers venaient de moi. Parce que ça reste de la création. Ça reste un exercice de style. L'imagination est tout aussi nécessaire, et les aptitudes littéraires aussi (en toute humilité, hein). Certes, les personnages sont déjà là (enfin, certains d'entre eux), certes, le cadre spatio-temporel a été défini au préalable. Mais il n'en reste pas moins que j'ai mené mes recherches, rassemblé ma documentation, développé la psychologie de mes personnages (justement pour ne pas faire un simple copié-collé de ce qu'on me servait sur un plateau dans l'œuvre d'origine), fait fonctionner mes méninges pour inventer une trame, des péripéties, des aventures. Bref, j'ai bossé. Sans doute autant, même si différemment, que si j'avais créé mon roman de A à Z sans base existante.

Voilà. Je tenais à remettre les pendules à l'heure sur tout le bien (et tout le mal) que je pense de la pratique de la fanfiction. Libres à vous de vous y intéresser ou pas, chers amis, mais dépassez vos a priori : fanfic ne rime pas systématiquement avec ado attardé, fantasmes douteux, personnages gays-alors-qu'à-la-base-non et vampires de Twilight. Et si certains auteurs se font des couilles en or en publiant de la "fanfiction officielle" de qualité plus ou moins respectable, beaucoup en écrivent pour le plaisir, s'éclatent comme des petits fous, et pondent des trucs admirables. What else ?

Pour aller plus loin...
Fanfiction.net, LA base de données de fanfictions en ligne
Étude Fanfiction, un site très complet proposant une étude sociologique sur le phénomène