(Pour ceux qui ne savent même pas ce qu'est la fanfiction, je vous
conseille de commencer par aller lire ceci, bande de fossiles.)
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je préciserai une chose : j'ai beau dire du mal de beaucoup d'aspects de la fanfiction, je reste persuadée que c'est un merveilleux moyen de travailler son imagination et son écriture, et je trouve que la rédaction d'une fanfic, que ce soit par un débutant total ou un auteur confirmé, est une excellente chose que j'encourage vivement. (Même si le résultat est merdique. You tried.)
Ceci étant dit, je peux balancer sec et être méchante. Allons-y.
Lorsqu'on raconte à quelqu'un que l'on lit – ou pire, que l'on écrit ! – de la fanfiction, il y a deux grands types de réaction. La première, c'est "Bwahaha, trop pourri la fanfiction, c'est un truc d'ado hystérique, c'est pathétique, c'est moche, c'est mal écrit, c'est de la merde, tais-toi et meurs". La seconde – et elle est encore trop rare à mon goût – c'est un "Oh tiens ?" intéressé, tout du moins aussi intéressé que si on avait parlé de "vraie" littérature, j'entends par là de littérature "originale" (et encore, le terme se discute). Et ces deux réactions sont finalement assez légitimes – le problème, c'est que la première revient quand même vachement plus fréquemment que la deuxième. M'enfin bon, pas tout à fait à tort : en fanfiction, on trouve le meilleur comme le pire. C'est comme le shopping chez H&M : il faut fouiller dans la masse des trucs nazes pour en tirer LA pièce de qualité, et parfois, on est découragé devant l'ampleur de la tâche.
C'est sûr, de la merde, il y en a. Une bonne partie des fanfictions est écrite par des petites fangirls (oui, 95% des auteurs de fanfic sont des filles, que voulez-vous...) de 12-13 ans, qui vont vous rédiger leur histoire en langage quasi-SMS, bourré de fautes d'orthographe et avec une syntaxe déplorable, avec pour seule idée d'assouvir leurs fantasmes plus ou moins avoués sur leurs personnages de fiction favoris. Et quand je dis fantasme, je ne parle pas d'amourette mignonnette adaptée à leur âge, je parle de porno pur et dur. Oui, ce sont souvent les nénettes de 14 ans qui vont détailler sur trente page les ébats torrides de Bella et Edwââârd ou de Harry Potter et Draco Malfoy (ai-je mentionné que les auteurs de fanfiction ont le chic de mettre de l'homosexualité partout où il n'y en a pas ? Tout le monde baise avec tout le monde, et entre hommes, c'est encore mieux). Alors évidemment, pour peu que nous, lecteurs, ayons plus de 13 ans et un minimum de jugeotte littéraire, nous levons les yeux au ciel devant tant de médiocrité, tant sur la forme que sur le fond (je ne saurais dire laquelle des deux peut être le plus terrible, les deux atteignent parfois des sommets assez impressionnants).
Mais voilà, la fanfiction, ce n'est pas que ça. Ce n'est pas seulement le rendez-vous sexuel des fans de Twilight. C'est aussi un excellent moyen de créativité, que ce soit pour les auteurs débutants ou confirmés, amateurs ou professionnels. Les gens pensent que nous écrivons de la fanfiction parce que nous sommes incapables de créer nos propres personnages, notre propre univers. C'est faux. La fanfiction est un choix, pas une solution de repli (certains écrivains publiés et célèbres continuent d'ailleurs à en écrire, juste pour le plaisir). C'est l'envie d'explorer plus en profondeur les personnages qu'on apprécie, de répondre à des questions que l'œuvre d'origine a laissées dans le vague, d'écrire une suite, un prequel, une scène coupée, de réécrire l'histoire du point de vue d'un autre personnage, de partir sur des "Et si...", d'inventer quelque chose de tout nouveau en se basant sur un univers que l'on connaît et que l'on aime. Et le résultat est parfois excellent, il n'y a pas d'autres mots. Qu'on se le dise : j'ai lu sur Internet des fanfics vingt fois supérieures, tant au niveau de l'histoire que du style, à certains ouvrages publiés (Stephenie Meyer, je te parle). J'ai dévoré des fanfictions avec le même enthousiasme que pour mes bouquins préférés, j'ai guetté les mises à jour avec la même impatience que s'il s'agissait d'un épisode de Game of Thrones, j'ai rigolé, j'ai versé ma petite larmichette, j'ai commenté, critiqué, reviewé, adoré.
Alors oui, toute fanfiction n'est pas de la littérature. Parfois, c'est de la daube. Mais parfois, c'est de l'art. Et par moments, la frontière entre fanfiction et fiction originale est difficile à discerner. Prenons ces bouquins "Univers étendu", qui suivent presque immanquablement toute œuvre ou saga à succès : les BD sur Star Wars, les romans sur Pirates of the Caribbean, les innombrables suites à Pride and Prejudice de Jane Austen... Ce sont des ouvrages publiés, souvent commandités. Les auteurs sont payés pour. Et pourtant, c'est bien de fanfiction qu'il s'agit, n'est-ce pas ? C'est de la fiction écrite par, et pour, les fans. C'est une histoire reprenant un univers et des personnages déjà existants. Beaucoup n'acceptent pas cette appellation, parce que beaucoup considèrent le terme "fanfiction" comme étant péjoratif – comme s'il impliquait nécessairement un côté cheap, bâclé, amateur. Mais non. Une bonne fanfiction peut être de qualité équivalente à la meilleure des œuvres originales. Et les meilleures fanfictions ne sont d'ailleurs souvent pas celles qui sont officiellement publiées, mais celles qui restent dans l'ombre et l'anonymat.
Et que dire, alors, de sagas à succès telles que le (tristement) fameux Fifty Shades of Grey, qui était au départ, ne l'oublions pas, une fanfiction sur Twilight publiée par une jeune femme sur Internet comme dix mille autres fanfics du même acabit ? Les amateurs de cette sous-littérature érotico-SM (atrocement mal écrite, soit dit en passant) ont l'air d'avoir soigneusement oublié que leurs héros favoris s'appelaient autrefois Edward Cullen et Bella Swan, alias le vampire-à-paillettes et la fille-mono-expression-faciale. On nous a vendu la trilogie Fifty Shades comme LA nouveauté de la décennie, alors que E.L. James n'était qu'une fangirl en manque d'histoires de cul qui assouvit ses fantasmes Twilight-esques sur le beau Edwââârd en écrivant du sado-maso. Trois mois plus tard c'était un best-seller international. Allez savoir.
Ainsi, à tous ceux qui appartiennent à la première catégorie dont je parlais plus haut (vous savez, la catégorie de "Bwahaha, trop pourri la fanfiction, c'est un truc d'ado hystérique, c'est pathétique, c'est moche, c'est mal écrit, c'est de la merde, tais-toi et meurs"), je dis : OUI, je lis de la fanfiction. Et OUI, j'en écris. Non seulement j'en écris, mais j'ai écrit un putain de roman de fanfiction. Et j'en suis fière. Aussi fière que si j'avais pondu un roman original, aussi fière que si tous les personnages et tout l'univers venaient de moi. Parce que ça reste de la création. Ça reste un exercice de style. L'imagination est tout aussi nécessaire, et les aptitudes littéraires aussi (en toute humilité, hein). Certes, les personnages sont déjà là (enfin, certains d'entre eux), certes, le cadre spatio-temporel a été défini au préalable. Mais il n'en reste pas moins que j'ai mené mes recherches, rassemblé ma documentation, développé la psychologie de mes personnages (justement pour ne pas faire un simple copié-collé de ce qu'on me servait sur un plateau dans l'œuvre d'origine), fait fonctionner mes méninges pour inventer une trame, des péripéties, des aventures. Bref, j'ai bossé. Sans doute autant, même si différemment, que si j'avais créé mon roman de A à Z sans base existante.
Voilà. Je tenais à remettre les pendules à l'heure sur tout le bien (et tout le mal) que je pense de la pratique de la fanfiction. Libres à vous de vous y intéresser ou pas, chers amis, mais dépassez vos a priori : fanfic ne rime pas systématiquement avec ado attardé, fantasmes douteux, personnages gays-alors-qu'à-la-base-non et vampires de Twilight. Et si certains auteurs se font des couilles en or en publiant de la "fanfiction officielle" de qualité plus ou moins respectable, beaucoup en écrivent pour le plaisir, s'éclatent comme des petits fous, et pondent des trucs admirables. What else ?
Pour aller plus loin...
• Fanfiction.net, LA base de données de fanfictions en ligne
• Étude Fanfiction, un site très complet proposant une étude sociologique sur le phénomène
• Fanfiction.net, LA base de données de fanfictions en ligne
• Étude Fanfiction, un site très complet proposant une étude sociologique sur le phénomène
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